Table des matières
Avant-propos
Il ne sera peut-être pas inutile de dire en quelques mots comment j'ai été amené à publier une traduction française de la Grammaire arménienne du Dr. Laucr, imprimée à Vienne en 1869.
Chargé du cours d'arménien à l'École des langues orientales vivantes après la mort du regrettable M. Dulaurier, j'ai dû vite constater que nous ne possédions en français aucun livre élémentaire à mettre entre les mains des élèves. II était impossible d'utiliser la volumineuse et indigeste grammaire de Chahan de Cirbied (Paris, 1823), et le travail de M. Patkanoff, traduit par L. Prud'homme, si remarquable à d'autres égards, ne se prêtait guère davantage à être employé comme livre d'enseignement. Ce qui manquait, c'était un manuel pour les commençants, simple, clair, de peu d'étendue, ne renfermant que le nécessaire, propre à initier à la fois aux principes de l'arménien ceux qui veulent étudier cette langue dans un but pratique, pour lire les auteurs, et ceux qui, voués aux recherches de la philologie comparée, s'appliquent surtout à connaître la structure grammaticale d'un idiome. La Grammaire de l'arménien classique de M. le Dr. Lauer me semblait réunir ces diverses conditions, dont quelques-unes sont difficilement conciliables. Je l'avais traduite il y a déjà quelques années pour mon instruction personnelle. Je crois rendre un réel service aux études arméniennes dans notre pays en livrant aujourd'hui mon manuscrit à l'impression. Les corrections apportées au texte primitif ont été faites d'accord avec l'auteur qui a bien voulu se charger de revoir les épreuves en même temps que le traducteur.
Le présent volume doit être regardé comme un manuel pratique à l'usage des commençants; il ne se donne nullement pour une grammaire complète et scientifique de la langue arménienne. En y joignant une courte chrestomathie et un glossaire, j'ai pensé que ce manuel répondrait mieux aux besoins de l'enseignement et que l'utilité en serait plus grande pour ceux qui doivent étudier seuls et sans maître. Les quatre morceaux qui composent la Chrestomathie (9 sont d'une difficulté graduée et choisis de manière à provoquer de la part du professeur des développements intéressants sur les premiers temps de l'histoire et de la littérature de l'Arménie.
Auguste Carrière
INTRODUCTION
La langue arménienne a traversé trois périodes bien distinctes l'une de l'autre.
La première va jusqu'à Mesrob, au commencement du Ve siècle. D'après les écrivains postérieurs, l'arménien aurait déjà produit à cette époque un grand nombre de travaux littéraires, la plupart d'un contenu historique. Il ne reste malheureusement de ces travaux que quelques fragments, mais les auteurs de la période suivante les avaient encore à leur disposition. Il est impossible de remonter jusqu'à la phonétique particulière à cette période. La langue possédait alors une plus grande richesse de formes qu'à l'époque classique. Beaucoup de ces formes ont disparu dans la suite, d'autres ne sont restées que dans certaines expressions, d'autres enfin n'ont été conservées qu'affaiblies et tronquées. On employait déjà une écriture nationale, d'après le passage suivant de l'hilostrate:... et captant quidem in Pamphylia aliquando pantheram cum torque guette circa collum, stabat. Aureus autem ille erat armeniisque inscriptus litteris hoc sensu: res Arsacis deo Nysaeo. Regnabat nempe temporibus illis in Armenia Arsaces. Philostrate vivait vers l'an 200 de l'ère chrétienne.
La deuxième période s'étend du Ve au XII.' siècle et comprend les écrivains classiques de l'Arménie. Elle commence avec l'introduction d'un nouvel alphabet par Mesrob dont Pieuvre, à cette occasion, fut double: il classa d'abord les sons de sa propre langue dans un ordre emprunté au grec, puis créa, pour les exprimer, de nouveaux signes (listera Mesrobianœ) basés vraisemblablement pour la plupart sur ceux qui étaient en usage dans la période précédente. C'est à exposer la phonétique, les formes grammaticales et la syntaxe de la langue employée pendant cette période que la présente grammaire est destinée.
La troisième période, qui commence avec le XII° siècle, se caractérise d'abord par l'addition de deux nouvelles lettres à l'alphabet de Mesrob, o pour d et 7, pour f. La prononciation de certains sons se trouve modifiée; les formes grammaticales subissent des changements importants. Une écriture cursive vient s'ajouter à l'ancienne écriture de Mesrob.